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La ronde des cultures
Passion Céréales
La notion de "rotation culturale" se définit par une succession de cultures qui prend en compte la fréquence de retour de chaque espèce et l’ordre dans lequel vont se succéder les différentes espèces.
Au plan agronomique, cette pratique permet de combattre les parasites qui menacent chaque culture : les mauvaises herbes (adventices), les maladies, comme la rouille, la septoriose ou le piétin-échaudage, et les ravageurs tels que des vers microscopiques (nématodes) et autres insectes (taupins).
Comme l’explique Éric Masson, ingénieur chez ARVALIS-Institut du Végétal, "si l’on implante toujours la même culture sur une même parcelle on y créera un milieu favorable aux ennemis de la plante, dont il sera de plus en plus en plus difficile de se débarrasser, avec pour conséquence une baisse du rendement." À l’inverse, la rotation est un levier efficace et naturel pour prévenir l’infestation des cultures et, de fait, réduire les utilisations de produits phytosanitaires. Elle favorise également l’enracinement des plantes et la préservation du sol.
Au-delà de l’intérêt agronomique, le choix des rotations est conditionné par des critères climatiques et économiques.
"L’agriculteur doit également composer avec les conditions météorologiques locales (températures, précipitations), avec les notions de rentabilité pour l’exploitation (rendements, coûts de production…) et d’accès au marché, notamment au niveau des débouchés régionaux", précise Éric Masson. En outre, dans certains territoires, les rotations peuvent être exposées à des contraintes réglementaires.
Une rotation performante est donc une succession de cultures qui répond au mieux à ces enjeux et contraintes de différentes natures.
Certains modèles de rotation font référence. Par exemple, l’alternance colza-blé-orge typique des régions Centre-Val de Loire, Île-de-France et Bourgogne-Franche Comté et que l’on qualifie familièrement de "grande rotation nationale". À l’Ouest on préférera le rythme prairie-maïs-blé, bien adapté à cette région orientée vers l’élevage et la transformation d’aliments pour animaux. Au Sud-Ouest, la convergence des températures clémentes, de la composition des sols, de la disponibilité de l’eau et des débouchés dans la filière volailles favorisera la monoculture du maïs, sachant que cette plante est moins sensible à sa propre succession que d’autres espèces comme le blé ou l’orge.
Sur le terrain, il revient à chaque agriculteur de définir sa stratégie de rotation et de l’adapter aux évolutions du contexte pédo-climatique, économique et réglementaire. Cette réalité encourage directement la diversité des rotations. Une enquête conduite par ARVALIS-Institut du Végétal a fait apparaître plus de 4 000 rotations distinctes que les experts ont pu regrouper en 34 grandes catégories qui témoignent de la diversité des pratiques et de la capacité des agriculteurs à s’adapter au contexte local.
Céréales et diversité Agriculteur à Carentoir, dans le Morbihan, Jean-Charles Orhan est à la tête d’une exploitation à cultures diversifiées. Les céréales (blé, maïs) représentent 40 % de sa production, aux côtés des légumes (petits pois, haricots), pommes de terre, semences de gazon (ray-grass), colza… "Je privilégie les cycles sur cinq ans en commençant la rotation avec un légume ou de la pomme de terre qui sont un bon précédent pour la culture du blé. Je veille également à alterner les "cultures d’hiver", semées en automne et qui vont passer l’hiver en terre (blé, colza…), et celles de printemps, semées à la sortie de l’hiver (pomme de terre, maïs…). Les céréales se positionnent naturellement dans les rotations dédiées aux cultures diversifiées. Elles sont un pilier du système de production et elles contribuent à des objectifs sanitaires spécifiques, notamment en termes de propreté du sol et de maîtrise des mauvaises herbes." |
En complément des rotations entre deux cultures « principales » (blé et orge par exemple), les agriculteurs intègrent des cultures dites « intermédiaires » (aussi appelées « couverts végétaux ») qui n’ont pas vocation à être récoltées mais qui présentent de multiples avantages aux plans agronomique et environnemental. Qu’il s’agisse de légumineuses (pois féveroles, de crucifères (moutarde blanche) ou d’herbacées (phacélie), ces plantes poussent rapidement et offrent une couverture au sol pendant la période d’automne-hiver.
Les atouts des cultures intermédiaires sont multiples :
- Elles limitent le l’entraînement des nitrates vers les nappes souterraines avec les eaux de pluie : ainsi « captés » sur place, ces éléments nécessaires à la croissance des plantes profiteront à la culture suivante. « Ce sont des agents hyper efficace pour la qualité de l’eau », confirme Éric Masson.
- Elles réduisent les phénomènes d’érosion des sols et de ruissellement, limitant ainsi la migration du phosphore et des résidus de produits phytosanitaires vers le milieu environnant.
- Elles favorisent la biodiversité en offrant un abri à la faune sauvage pour se protéger des prédateurs pendant l’hiver et pour se reproduire.
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