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Productions céréalières et identité territoriale : l’union fait la force
Créée en juillet 2000, la « Dynamique Céréalière » est une association interprofessionnelle, régie par la Loi de 1901, qui regroupe les acteurs de la filière céréalière de l’ex-région Poitou-Charentes, aujourd’hui englobée dans la Nouvelle Aquitaine. Elle compte six organismes de collecte et de stockage, trois entreprises de meunerie et vingt-quatre boulangers artisanaux, auxquels se sont associés trois supermarchés sensibilisés aux achats locaux et possédant chacun un fournil intégré au magasin.
Leur objectif : « valoriser leurs produits vis-à-vis de ceux de la concurrence à travers une démarche de reconnaissance d’origine et de qualité », explique Lise Bertrand, ingénieur qualité à l’Institut régional de la qualité agroalimentaire (Irqua). Ils ont alors choisi d’inscrire cette démarche dans le cadre du label « Signé Poitou-Charentes » qui, créé en 1998 par le Conseil régional et placé sous la responsabilité de l’Irqua, apporte aux consommateurs des garanties sur l’origine régionale des produits bruts et des matières premières transformées. Cet identifiant régional concerne actuellement une trentaine de filières et une cinquantaine de produits, dont ceux issus de la Dynamique Céréalière.
Qualité et proximité
La Dynamique Céréalière présente la caractéristique d’être la seule démarche de ce type entièrement intégrée, autrement dit couvrant toutes les étapes de production, du champ au fournil. En amont, cela se traduit chaque année par un important travail de sélection des blés et par l’élaboration d’un assemblage de grains, baptisé « Épipain », qui sera transformé en « maquette de farine ». À l’issue d’une phase de tests impliquant tous les acteurs, la farine sera mise en production et acheminée vers les fournils de tous les adhérents de la Dynamique Céréalière.
Parallèlement, la chaîne de production est contrôlé par l’Irqua à tous les niveaux : enregistrement des surfaces emblavées, suivi des rendements par parcelle, hygiène et sécurité sanitaire des silos de stockage, taux de protéines et d’humidité des blés récoltés… « Au final, la conformité aux normes de la marque Signé Poitou-Charentes garantit au consommateur une production de qualité exclusivement réalisée en Poitou-Charentes à partir d’une farine transformée localement et issue de blés cultivés pour l’essentiel dans les Deux-Sèvres et dans la Vienne, à un prix équivalent à celui de la baguette ou du pain "tradition". La marque garantit aussi l’utilisation de matières premières exclusivement régionales (blé, faine, sel de l’Ile de Ré, pain 100 % régional) ainsi que la complète traçabilité des produits », détaille Lise Bertrand.
Au-delà des démarches techniques, l’Irqua assure le marketing et la communication autour du label Signé Poitou-Charentes, notamment grâce à des outils assurant sa visibilité dans les points de vente (sachets d’emballage des baguettes, vitrophanies, affiches…) mais aussi dans le cadre de manifestations publiques et professionnelles (Fête du Pain, Salon international de l’Agriculture, Carrefour des métiers de bouche de Niort…).
Dans le sillage des baguettes, deux produits céréaliers sont récemment sortis de l’imagination et des fournils des boulangers : le Pain Filou, petit pavé aux pépites de chocolat ou aux fruits secs très apprécié des écoliers, et le Cabrifou, baguette de tradition française fourrée au beurre AOP, à l’ail et au fromage de chèvre frais de Poitou-Charentes qui, inspirée du Préfou vendéen ou orléanais, accompagne l’apéritif.
Un levier de compétitivité
Ainsi que l’explique Luc Thibaud, directeur de la minoterie Thibaud Frères SA basée à La Chapelle-Thireuil, près de Niort, « cette signature Poitou-Charentes représente pour nous une valeur ajoutée équivalente à celle du Label Rouge, mais nous n’aurions pas pu l’obtenir sans le soutien de la Dynamique Céréalière, que nous avons rejointe en 2005. Cela nous a permis de gagner en qualité, en rigueur dans notre travail, en traçabilité, et de nous ouvrir de nouveaux débouchés en gagnant des clients qui, plus qu’une farine, sont en quête d’une identité régionale. »
Pour les boulangers, l‘adhésion au mouvement représente également un atout validé au quotidien par leurs clients, dont les attentes de consommateurs sont de plus en plus orientées vers des produits de terroir, pétris d’identité régionale. Gabriel Daubé, artisan boulanger à Saintes (Charente Maritime), incarne de manière exemplaire cette dynamique de filière dont il a connu quasiment tous les maillons. En effet, cet ancien technicien agricole devenu meunier et directeur de la Minoterie de Méchain, à Saint-Jean d’Angély, a rejoint la Dynamique Céréalière, lui aussi, en 2005. Puis, en 2011, il décide d’ouvrir sa propre boulangerie, Eugène Le Fournil, « pour mettre en pratique, sur le terrain, la commercialisation du produit Signé Poitou Charentes. Je suis parti d’un constat tout simple : pourquoi aller chercher très loin ce que l’on possède à sa porte, qu’il s’agisse de matières premières ou de savoir-faire. J’ai choisi de travailler sur mon territoire en circuit court, avec une filière blé-farine-pain où tout le monde se connaît, travaille en synergie et où l’on définit conjointement les cahiers des charges techniques pour produire une baguette de qualité."
Aujourd’hui, Gabriel Daubé vend chaque jour près de 500 baguettes Signé Poitou-Charentes. Au fil des années, il a fidélisé une clientèle qui se déplace pour acheter spécifiquement ses baguettes et emporter chaque jour avec elle ce petit morceau de terroir picto-charentais qu’il aime partager. C’est ainsi qu’il s’est fixé comme nouvel objectif « d’emmener un jour des consommateurs dans des champs de blé afin de les sensibiliser encore plus aux valeurs qui animent la Dynamique Céréalière. »
Forte de son succès, la Dynamique Céréalière a engagé une réflexion pour s’adapter au nouveau découpage administratif régional et déployer la démarche sur l’Aquitaine et le Limousin. « Notre mouvement possède de réelles perspectives de développement, confirme Philippe Delusset, président de la Dynamique Céréalière et président de la coopérative régionale Ocealia. Si nous devons convaincre toujours plus d’acteurs locaux de leur intérêt à rejoindre le dispositif, il nous appartient également de développer une stratégie qui permettra d’y intégrer les autres territoires de Nouvelle Aquitaine en adaptant les cahiers des charges à leurs propres spécificités. »